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Portrait d’Islande

Photographies argentiques.
Année 2015.

 

En hiver 2015, je suis partie vivre en Islande près de six mois. Loin des rêveries touristiques, vivant « l’envers du décor » d’un petit pays au cœur du tourisme de masse. Au milieu de l’ambivalence forte entre l’identité Islandaise, l’essence de son pays, de ses terres, paysages indéfinissables, et de ce que l’homme en fait, j’y ai développé un travail de séries photographiques argentiques au cours de mes explorations loin de la ville.
J’ai marché, tâtonné sur ces terres. J’y ai découvert une Nature, que je semblais déjà connaître depuis petite, mais qui cette fois-ci me dépassa. Une Nature si puissante, imprévisible, qu’elle me fit prendre conscience que l’Homme, aussi envahissant soit-il, n’est qu’une infime poussière lorsque celle-ci se réveille. J’y découvris une Islande déroutante, significative de l’envahissement des hommes, où pas un seul paysage n’a su rester intact. Loin des cartes postales, loin des rêveries idéales. Et pourtant, au milieu de tout cela, une beauté certaine et sans nom. Comme si, plus la Nature se révoltait, plus elle en devenait belle et puissante.
Pendant que j’étais là-bas parce que je pensais que ce pays était l’un des plus purs au monde, j’ai découvert qu’il était l’un des pires. J’appris que la Terre n’est pas durable pour l’avenir. Que nous ne ferons jamais plus de choses que nous ne le faisons aujourd’hui. Utilisant de plus en plus, faisant disparaître nos ressources. Sans retour possible. Si tout cela était si dur à entendre, et apprendre, ce fut le début pour moi d’un véritable tournant, où j’eus le besoin profond de témoigner pour éveiller les consciences. Pétur Thomsen est l’un des artistes les plus inspirants que j’ai découvert là-bas. Il a ouvert une vraie discussion sur la nature et l’homme, et l’utilisation de celle-ci. J’ai toujours recherché cette idée, à propos de la nature et de nous. À quel point elle est importante et belle, et ce que nous en faisons. Ce que nous devons faire, c’est apprendre sur la Nature. L’argent ne nous rend pas heureux. La consommation ne nous rend pas heureux. En réalité, l’Homme devient de moins en moins heureux. Et il est allé si loin que c’en est devenu un problème insoluble. Alors, que pouvons-nous faire, avec quelque chose que nous ne pouvons pas réparer? Que puis-je faire en tant que photographe? Pour lui, le seul moyen d’agir était de suivre la transformation de la Nature, et de lui rendre tout son respect en la photographiant de la plus belle des manières.
Avec son travail, j’ai pris conscience que les humains ont vraiment le besoin de dominer la nature, et qu’ils ne peuvent rien laisser intact. C’est lors de l’un de mes voyages dans le pays, loin de lieux touristiques, que ça m’a soudainement sauté aux yeux. Partout où j’allais, l’Homme était présent. Des machines, tracteur, grue, partout. Un soir, je me suis retrouvé au milieu des montagnes, près du grand glacier Vatnajökull. Rien autour. Rien sauf la Nature. Et le silence. Je ressentie cette vague d’immensité me parcourir, cette puissance impalpable, indéfinissable de cette Nature environnante. Mais dans cette pureté et ce calme, aussi vaste soit-il, un bruit lointain perturbait tout. Deux hommes creusaient des trous au milieu de nul part. Pourquoi devaient-ils être ici? Pourquoi doivent-ils être partout? Creuser partout, construire partout? Il n’y avait rien autour. Juste la nature, cette très grande nature. Et eux. Et tout parut soudain insensé. Dans un monde où nous ne sommes que la suite de pionniers, la nécessité de faire de grandes choses et de faire de tout notre possession, aller où personne n’est allé, utiliser la nature… est devenu un besoin de plus en plus grand, et probablement le besoin de tous. Et nous sommes de plus en plus sur Terre. Et il y a de moins en moins de terres inexploitées par l’Homme, et encore moins bien exploitées. Au lieu de prendre ce que la terre nous offre et de nous satisfaire, tout en la respectant, nous la détruisons.
Et c’est là que je me tiens. En tant qu’être humain, en tant que photographe : si l’Islande est pour tous une terre pure, belle et intacte, y montrer la réalité de l’être humain là-bas pourrait avoir un réel impact.
Ainsi, pendant près de six mois, j’ai travaillé la photographie afin de témoigner de l’impact de l’Homme sur la Nature, versus ses besoins romantiques de toujours s’y retrouver. C’est un voyage qui ne raconte pas l’histoire d’un seul homme, mais expose davantage notre propre personne dans ce monde immense que nous traversons. Un travail sur nous, sur le passé, l’avenir. Une exploration du silence, de cette solitude que nous vivons tous, d’une manière ou d’une autre. Avec des paysages, des montagnes qui ont cette force éternelle de nous faire réfléchir davantage, et mettre en perspective nos vies. Mais aussi cette pureté blanche. Et la présence de l’Homme, partout. Un mouvement continu de l’homme au cœur d’une nature puissante, imprévisible, qui une fois au milieu de rien et sans référence, semble n’avoir aucune temporalité. Nous avons ressenti ces sensations étranges, d’une temporalité intemporelle, où nous nous rendons compte alors que devant nous, avec nous et sans nous, elle continuera.
Ma technique argentique, en noir et blanc, me permet de traduire ce manque de référence. Plus esthétique cette fois-ci, mais non moins dénué de sens. Telles des gravures, parfois dessins au fusain, ces paysages se tiennent ici, dans le présent, mais interagissent avec le temps. Nous nous interrogeons alors sur ce que nous savons des choses, de la vie qui passe et de notre relation à la Nature qui évolue et qui existe depuis la nuit des temps. Car l’étrange a le pouvoir de susciter la curiosité du spectateur. Et s’il y a de la curiosité, il y a des pensées. Et s’il y a des pensées, il y a de l’introspection et de la réflexion. Si vous jouez avec les perceptions, vous jouez avec la réalité et posez des questions à ce sujet. C’est dans le monde inversé que l’homme peut trouver des réponses ou avancer. Et cela pose également un autre regard sur ces terres rêvées.
Un travail indéfini, suspendu dans le temps, à l’image de ces terres qui elles aussi continuent d’évoluer. Quatre ans après, j’ai toujours ces pensées régulières sur ce pays que j’ai connu. Que j’ai photographié au cours d’un instant précis, dans une idée d’empreinte, de tâtonnements, d’évolution jamais terminée, et qui continue d’évoluer depuis, sans moi, avec tout le monde et sans personne. Qu’est-il devenu ?
Portrait d’un pays empreinte, à cheval entre l’avancée positive, et celle qui mérite de penser. Évolution intemporelle, qui sensibilise sur ce qui est, ce qui était et ce qui sera. Entre aventures solitaires et état des lieux. Témoignage d’un pays dont nous parlons beaucoup, qui a sa propre essence, mais qui se trouve être un immense porte-parole du monde dans lequel nous vivons.

 
 

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